Bon, y a quand même eu un gros lot de cas soc' sur la route. C'est bien chiant quand on a un blessé sur le siège passager. Heureusement qu'on les a croisé qu'en ville, sur la route de Black Mountain, ç'aurait été un peu plus dangereux, les virages et tout ça. Jusqu'au centre-ville, ça allait. J'sais pas si c'est à cause de l'heure, je crois que tout le monde est au taf. J'ai failli oublier que j'étais de repos, avec toute cette histoire.
Bref, le centre-ville n'est plus très loin, ça tombe bien, quand j'aurai déposé cet Isaac, je serais pas loin de chez moi. Mon petit studio. C'est pas que j'ai souvent du monde, ou une famille, mais des fois, j'aimerai trouver un logement plus grand. C'est un peu déprimant quand tu rentres du boulot et que tu te retrouves dans un petit truc comme ça. Bon, c'est pas petit petit non plus, mais ça vaut pas un appart', quoi. Ah, un petit bouchon sur la route. Il est temps de lui demander l'adresse.

- C'est par où après ? Gauche ? Droite ? Tout droit ?

Bah oui, c'est pas un centre-ville de campagne. C'est assez grand, même. Il m'a pas dit le nom du restau, sait-on jamais, des fois que je connaisse. Ça m'aurait facilité la tâche qu'il me dise le quartier en avance. Mais bon, c'est pas grave. On aurait peut-être pu faire une discussion plus prolongée. J'ai du passer pour une asociale ou quoi. J'en suis pas une, mais j'sais pas, j'me sentais pas de parler pour rien dire. Une autre fois peut-être, quand la situation s'y prêtera mieux. J'vais pas le lui dire, vu ce qu'il s'est passé, il comprendra. De toute manière, s'il avait eu envie de faire la discussion, il aurait essayé. Enfin, je crois. Bref...

Spoiler:

Bon il est vrai qu'on ne peut pas dire que Kim soit très bavarde mais en même temps on ne peut pas lui en vouloir non plus. Elle se retrouve en compagnie d'un inconnu blessé dans sa propre voiture et ce dernier ne fait pas non plus preuve d'une très grande discussion. Isaac est concentré sur sa blessure et lorsqu'il ouvre la bouche pour dire quoique ce soit, il est obligé de serrer les dents. Son état rend la politesse et la courtoisie relativement compliquée. Bien qu'il soit un homme naturellement avenant, le contexte l'empêche d'afficher un grand sourire et une sympathie cordiale. Ainsi et alors que l'on entre enfin dans Woodbury Hills, le fils d'Abraham Anderson se dit qu'il est bientôt arrivé et qu'il lui suffit d'être encore un petit peu patient. Kim conduit rapidement mais tout de même sagement ce qui nous permets d'avancer plutôt bien vers le centre-ville. Les minutes défilent et tentant de garder un minimum le sourire, Isaac respire doucement en maintenant sa blessure de la main droite. Elle n'est certes pas très dangereuse mais par contre sacrément douloureuse. C'est vraiment pas de chance quand on y pense, vouloir aider une inconnue qui fait son footing et se retrouver dans un incendie en plein Black Mountain. Non mais sérieusement, c'est juste digne d'un film ce genre de scénario. Finalement avec tant de péripéties, Isaac peut même s'estimer chanceux de s'en sortir qu'avec une petite blessure au ventre. Enfin, il ne faut pas oublier qu'il a également abandonné sa Chevrolet toute neuve sur le rebord de la route. Rien qui puisse rassurer le bel afro-américain en somme.

Le décor urbain défile sous les yeux du fils Anderson, il est songeur et pourtant parfaitement attentif à ce qui se passe dans le véhicule. On ne sait jamais si Kim se met à raconter quelque chose, il doit pouvoir lui répondre sans lui demander de se répéter. Il faut pas non plus qu'elle croit qu'il s'en balance de ce qu'elle peut dire, c'est très loin d'être le cas et il se sent, en plus de cela, très redevable vis à vis d'elle. Sans la gentillesse de Kim, il sait qu'il serait encore sur capot de sa Chevrolet a espérer qu'une voiture s'arrête pour lui venir en aide. Autant vous dire que dans cette ville où les paranoïaques sont aussi nombreux que les psychopathes, c'est juste pas franchement gagné. Finalement, Kim approche de l'Economic Center et s'interroge sur la route à suivre pour rejoindre le restaurant où Isaac souhaite être ramené.

" Tout droit jusqu'au carrefour central et ensuite la première rue à droite, le restaurant s'appelle l'Endroit, on peut pas le louper. " S'explique Isaac en tentant de respirer correctement entre les mots qu'il prononce.

Le regard de l'afro-américain se dépose de nouveau sur la route et ensuite vers le visage de Kim. Avalant sa salive et prenant sa respiration de manière profonde, il rajoute quelques mots alors que le véhicule approche maintenant du carrefour.

" Je te remercie vraiment Kim. " Ajoute-t-il de nouveau avant de reprendre avec insistance : " Je te suis redevable au cas où, n'oublie pas. "

Suite à un arrêt au carrefour, nous reprenons notre route avant de nous fondre dans la circulation. Quelques minutes plus tard, nous passons devant le restaurant. Isaac ne manque pas de faire remarquer le lieu à sa conductrice. Une fois à l'arrêt, la réceptionniste se trouvant sur le trottoir, cigarette à la main remarque la présence du chef étoilé dans la voiture en stationnement.

" Bah patron, qu'est ce qui s'est passé ?! "

Isaac glisse alors un oeil discret vers la jeune femme au volant. On dirait qu'elle vient de découvrir qu'il n'est pas le simple petit cuisiner d'un boui-boui.

Ah bon, ça va. La route est assez simple au final. L’Endroit, qu’il me dit. Je connais de nom, mais j’y suis pas encore allée. Hé, c’est que je risque de faire tâche en débarquant. C’est pas comme si ma tenue vestimentaire était adaptée, non ? J’en sais rien, j’ai jamais mis les pieds dans un restau étoilé. J’suis plutôt une habituée des fast-foods ou des restaus normaux. Bon, normaux est un bien grand mot, vu que la clientèle se compose en général de routiers, fans de voitures, motards ou autres. On verra bien le jour où j’irais profiter de son invitation, je trouverai bien quelque chose à mettre. Et puis de toute manière, il m’est redevable. Il pourra bien me laisser venir manger en jeans et baskets – ou autre tenue que j’aurais. Enfin, si son boui-boui fait pas partie des restaus trop guindés, quoi.
Enfin bref ! Allons-y, les enfants ! Première rue à droite et c’est bon. Il me fait signe pour que je m’arrête au bon endroit. Y a une fille qui fume sa clope sur le trottoir, genre elle est choquée de le voir là. Bon, c’est vrai que son patron est blessé, mais bon, c’est un détail. ‘Fin en tout cas, c’est classe de dépanner le chef d’un bouge assez connu. Bon, c’est pas un quatre étoiles, mais bon, une étoile, c’est déjà beaucoup. Je sais même pas si y en a d’autres à Woodbury. Je ne peux pas retenir un sourire, pour un peu, j’en rirais, mais j’arrive à me contenir sur ça. Si on m’avait dit que je gagnerais un repas dans un grand restau en sauvant les miches du taulier, je l’aurai pas cru.

- Patron, hein ? Pas mal, pas mal… Joli bouge.

Bah oui, il jette un œil vers moi, autant le féliciter. Bon, je coupe le contact, au cas où. Pas que j’ai envie qu’il me foute du sang dessus si je l’aide à sortir, mais j’vais pas le laisser dans la merde. Même s’il a l’air de pouvoir marcher jusque dans son restaurant. J’avise la taule d’un mouvement de tête.

- Besoin d’aide pour se déplacer ? Ou la dame est là pour aider ?

Hé ! On sait jamais. Au pire je vois comment c’est dedans, au mieux, ben, je rentre chez moi, tranquillement. J’ai toujours une odeur de cramé à faire partir. Soit la douche m’y aidera, soit l’odeur de la nourriture.

Quand on y pense, heureusement que Kim passait par là. Sinon, il y avait de fortes chances pour qu'Isaac soit encore sur le capot de sa Chevrolet à espérer. Pour une fois dans la journée, il avait eu de la chance. C'était pas flagrant dès le début car se retrouver perdu en pleine forêt pendant un incendie, le tout pour rechercher un chien, c'est franchement pas courant comme situation. On pouvait bien dire que depuis ce matin, il enchainait les catastrophes et en plus c'était la faute à pas de chance. Heureusement, les choses rentraient dans l'ordre. Isaac était tombé sur une jeune femme qui en plus d'être agréable a été très serviable avec lui. Le voilà maintenant devant son restaurant, c'est déjà un bon point. Bon certes la réceptionniste panique un peu mais on est presque au bout de cette histoire à dormir debout. La jeune femme lâche sa cigarette en s'approchant du véhicule de Kim. Isaac lui fait un signe de la main afin qu'elle comprenne que tout va bien. Perplexe, les sourcils en l'air, la réceptionniste fait quelques pas en arrière et ajuste son chignon en même temps. Hum, le savant mélange de l'odeur de clopes dans les cheveux d'une femme, c'est juste dégueulasse et pas du tout mais alors pas du tout sexy. M'enfin trêve de bavardage sur la tenue et la manière de se comporter de l'employée du restaurant, Isaac est encore en voiture et la conductrice lui fait une remarque sur son statut de patron. Malgré que son visage soit plus enclin aux grimaces qu'aux signes de sympathie, Isaac glisse un léger sourire à Kim. Il maintient toujours sa blessure de la main droite et s'apprête à la remercier. Au même moment, la réceptionniste disparait dans le restaurant étoilé. C'est une question de minutes avant que d'autres curieux se ramènent sur le trottoir, l'afro-américain en est presque certain.

" Merci... Ça fait tout juste un an. " Ajoute-t-il sobrement avant de reprendre rapidement la parole : " Je vais y arriver, enfin je l'espère, j'ai assez abusé de toi Kim. "

Finalement, il ouvre la portière et s'extirpe, certes difficilement, du véhicule. Un dernier regard vers Kim, il ne sait pas trop ce qu'il doit faire, elle a sûrement des trucs à faire car il n'est pas encore trop tard dans l'après-midi. Il ne peut pas la retenir indéfiniment. De son coté, il lui reste des tas de choses à régler. À commencer par envoyer un employé récupérer son véhicule. Bien-sûr, il faut que quelqu'un l'accompagne et qu'ils prennent de l'essence en chemin. Autant dire qu'il ne faut pas trop traîner car il faut que tout ce bon monde soit disponible pour la mise en place et ensuite pour le service de ce soir. Service pendant lequel Isaac sera sûrement absent, chose rare, assez rare pour être précisé. Il faut bien qu'il se rende à l'évidence, il a besoin de soins. Il va donc falloir également un employé pour l'accompagner à l'hôpital. Après toutes ces péripéties, il pourra enfin se reposer, du moins il faut l'espérer. Aussitôt et alors qu'il s'apprête à refermer la portière, il se penche à peine pour capter le regard de Kim.

" Je te remercie encore. Tu me promets que tu vas passer ? Tu demanderas à me voir d'accord ? Vraiment ! N'oublie pas, j'y tiens ! " Explique-t-il avec une grande conviction.

Il attends alors la confirmation de la jeune femme pour fermer la portière et rejoindre son restaurant. Le barman est d'ailleurs sur le trottoir, curieux de cette scène un peu étonnante. Il tombe bien, il va pouvoir faire le chauffeur jusqu'à l'hôpital une fois que les détails pour ce soir seront réglés. Oui, le restaurant passe avant-tout. On ne gâche pas une réputation pour une vilaine branche dans une forêt.

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