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Jellyka voit le visage du policier apparaitre plus clairement lorsque la fumée s'évapore dans l'air. Elle s'apprête à se faire connaitre afin de pouvoir reprendre plus rapidement la route et surtout ne pas être emmerdé outre mesure. Oui mais voilà, l'espèce de fou furieux qui prenait l’incendie pour une barbecue a encore une idée lumineuse. Bordel de merde, c'est la journée des cons ou quoi ! Celui-là il était peut-être un peu mieux dans son barbecue, c'est moi qui vous le dit. Certes on est pas tous des enfants de choeur mais un minimum avec qui a la gentillesse de nous sauver la vie. Putain de Russes à la con, les premiers a avoir besoin d'être bien représentés devant une Cour de justice, près à mettre des milliers sur la table pour se payer la meilleure avocate du barreau. Si seulement il savait ce crétin de mes deux qui se la joue comme dans un film de Clint Eastwood. Bon sang, tu crois que c'est une bonne idée de te faire passer pour un kidnappeur ? Si j'avais discuté avec eux, en dix minutes, ces flics n'auraient été qu'un souvenir et on serait déjà loin. Ta technique là, c'est du n'importe quoi ! L'afro-américaine ne peut pas se permettre de faire n'importe quoi, elle a un statut et une réputation, ELLE ! Cependant maintenant elle a plus le choix, il faut y aller et c'est avec l'envie d'étrangler ce putain de Russe, qu'elle joue le jeu. Ayant bien du mal à mimer l'air apeuré mais tout de même, elle fait de son mieux.

Finalement le flic gobe toute l'histoire et heureusement d'ailleurs car même si ce policier a eu le temps de noter la plaque d'immatriculation de Jellyka. Cette dernière pourra jouer la victime et elle sera tranquille. Nom de Dieu, c'est quand même un monde ! En arriver à ces extrémités alors que tout peut se régler tranquillement. Non, il faut toujours que quelque chose parte en couille. Quand je vous dis que cette ville est remplie de malades mentaux, je n'en rajoute pas. Le camé que la belle vient de sauver n'est pas très clean non plus. Certes tout ça n'est qu'une mascarade pour échapper aux flics mais quand même, merde ! Tu t'es cru où pour nous la mettre comme ça ? Sait-il seulement qu'il est face à une des personnes les plus importantes en ville et qu'elle n'est pas toujours disposée à apprécier l'humour. Heureusement le flic lève les mains en l'air, son collègue qui rejoignait la Maserati fait de même. Jellyka en profite pour mettre le pied au plancher. Ils décollent et abandonnent les policiers sur le bas-coté. La jeune femme ne bouge pas jusqu'à être certaine que les policiers soient assez loin. Lorsque c'est le cas, elle donne un coup d'épaule pas méchant mais assez fort pour remettre à sa place son compagnon de galère. La voiture file à une vitesse affolante et l'afro-américaine récupère son téléphone portable.

" Vous, vous manquez pas d'air ! " Ajoute-t-elle à voix haute et intelligible.

" J'vous sauve la vie et on est deux dans la merde. On doit pas forcément s'aimer mais de là à faire des coups en douce. Vous sortez d'où mon vieux ?! " Reprend-elle en empruntant une route secondaire dans un coup de volant.

Non mais je vous jure sérieusement...

Nom de Dieu mais c'est un véritable film ! Si Jellyka n'avait pas l'habitude de rester zen en toutes circonstances, elle se serait facilement énervée. Le calme et le contrôle ce n'est surement pas ce qui caractérise l'espèce d’énergumène qui se trouve sur le siège passager. Lorsqu'il prend la parole, l'avocate croit rêver. En plus de cela, il croit qu'elle a besoin de lui pour quoique ce soit ? Il oublie qu'elle vient de lui sauver son cul en le sortant des flammes. Pour le reste, elle est assez puissante dans cette ville pour mettre au chômage le premier flic qui se prendra pour ce qu'il n'est pas. Anderson, c'est le plus gros cabinet d'avocats de la ville, c'est aussi des liens très serrés avec le maire en place. Tout n'est pas tout rose là-haut mais tout fonctionne encore très bien. Les mains de la belle se resserrent sur le volant et elle a presque envie de rire. Il est vraiment stupide celui-là ? Il se prend pour quoi ou pour qui ? Tu crois peut-être me faire peur, c'est pas parce que tu as une paire de couilles que tu peux prendre le dessus sur moi. Achète toi un cerveau, ça t'aidera un peu plus, enfin si tu ne le fais pas cramer avec tes drogues de merde ! Jellyka soupire à peine, levant les yeux au ciel. Elle ne répond même pas à ce que vient de raconter ce sombre crétin. Il n'est rien du tout dans cette ville et il a la vie sauve, tant mieux pour lui, s'il veut faire des grands discours, il peut s'en amuser dans son coin. Les yeux charbonneux de Jellyka glissent l'espace d'un instant vers l'inconnu qu'elle vient de sauver. Il doit se sentir intelligent avec son coup merdique devant les flics. Pourtant, c'est pas du tout lumineux comme idée. Laissons-le dans ses fantasmes. Qu'il revienne parler à plus fort que lui quand il sera un peu plus grand dans ce bas monde.

Jellyka n'est pas du genre à se vanter de son pouvoir ou de sa réussite. Entendre cet homme parler comme ça, c'est juste très drôle. S'il se trouve intéressant, c'est bien pour lui, il pourra même s'endormir en rêvant à tout ça. S'il croit avoir fait un bon geste devant ces flics, il peut aussi se branler en y pensant. Elle s'en fout royalement, elle n'a pas besoin de tout ça. Elle vient de lui sauver le cul, elle va rentrer chez elle ce soir et continuer à contrôler le monde du haut de sa tour de cristal. Il est facile de s'en vanter et même de le croire, c'est plus compliqué de le faire concrètement. Elle n'a pas besoin de rétablir la vérité, il peut bien croire ce qu'il veut et se noyer dans ses misérables pensées. S'il voulait vraiment devenir quelqu'un, il réfléchirait un minimum et saurait qu'on ne doit pas rabaisser les personnes se trouvant en face. Surtout lorsqu'on ignore ce qu'elles peuvent nous apporter ou au contraire nous reprendre. L'afro-américaine se fiche éperdument de tout ça, elle se concentre sur la route et quitte la route secondaire pour une nouvelle. Les minutes défilent et finalement, c'est dans un coin tranquille qu'elle s'arrête. Plus de flics en vue mais on est loin de la civilisation, quelques touristes traînent juste dans le coin.

" J'vous ramène quelque part ou vous désirez des soins d'abord ? L'hôpital ou un truc plus tranquille où les flics ne mettent pas le nez, vous préférez quoi ? " Demande-t-elle prête à redémarrer.

Elle attends quelques secondes, lui laissant le soin de réfléchir avant d'ajouter quelques mots : " J'vous connais pas, j'vous juge pas, je vous ai juste dit que je vous trouvais culotté. Vous, vous êtes déplacé et vous vous permettez de me dire des choses qui ne se disent pas. J'vous permets pas de parler de mes miches ou de quoique ce soit d'autre, j'ai sauvé votre vie, vous étiez complètement shooté, j'vous demande rien en retour, juste du respect. "

Tu parles surement à un sourd Jellyka tu le sais ?  Tout le monde n'est pas capable de voir la vérité en face. Espérons justement qu'il voit la lumière sinon il risque de devenir véritablement con et de se retrouver face à un mur de silence.

Finalement et curieusement d'ailleurs, le Russe semble retrouver un peu de son calme. Il n'est plus entrain d'hurler sur l'avocate qui vient de lui sauver la peau et c'est déjà un bon début. Il n'est peut-être pas si con et pas si borné en fait, comme quoi il faut se méfier des premières apparences. On est tous différents et ici en l'occurence, on est peut-être même face à des opposés. Toutefois, on peut tous vivre plus ou moins ensemble si tout le monde s'efforce de rester correct. Si Jellyka est une fervente adepte de cette technique, ce n'est pas le cas de tout le monde. Ainsi les grandes rencontres mènent souvent aux débats existentiels qui ne servent à rien d'autre, qu'à se tirer les cheveux. Après tout, c'est pas comme si nous, pauvres petits êtres, aussi riches sommes-nous, nous pouvons changer le monde. L'humanité est chiante et mécontente, c'est pas nouveau, autant s'y faire et s'éloigner des grands débats. Jellyka est donc relativement contente lorsqu'elle voit que l'homme qui se trouve à ses cotés met de l'eau dans son vin. Même s'il semblerait que ce dernier soit plus un adepte d'une bonne vodka pure de bon matin. Vous voyez, les préjugés pleuvent des deux cotés, l'essentiel étant de la fermer pour éviter de s'étriper en vain. Oui en vain car une fois qu'on sera dans la merde jusqu'au cou pour des conneries subjectives, les choses n'auront pas changés pour autant. C'est donc une afro-américaine un peu plus ouverte qui écoute ce que raconte son interlocuteur. Il explique préférer des soins loin du regard de la police. La jeune femme hoche positivement la tête et reprend la route dans un court sourire.

Des criminels elle en voit beaucoup, ils sont même son métier pour ainsi dire. Alors, les petits arrangements en tout genre, elle connait également. Si Jellyka franchit que très rarement la barrière de la légalité, elle s'arrange pour le faire de manière très discrète et organisée. Ses affaires demeurent limpides comme de l'eau de roche et c'est bien là le point essentiel. Alors que le décor défile de nouveau dans le regard ébène de Jellyka, son passager s'explique sur son caractère. La belle l'écoute attentivement tout en restant concentrée sur la route. Elle n'a pas envie de voir débarquer une énième patrouille de police. Ça serait con, vraiment con, surtout que Alekseï est enfin dans de bonnes conditions. Du moins pour l'instant, on dirait bien qu'il va un peu mieux que tout à l'heure. Vous dire si les conditions sont bonnes, c'est un peu ambitieux devant l'étrange spécimen slaves que nous avons là. La Maserati quitte enfin la périphérie de la ville et s'engouffre dans la circulation des voies rapides. Tapotant à peine sur son volant, l'avocate met son grain de sel dans la conversation qu'elle partage avec cet inconnu assez étrange. Bah quoi, il est pas totalement net ce mec là, ça se sent, même un aveugle peut le voir. Enfin, si je peux me permettre. Mais oui, je me le permets car c'est bien connu, je fais ce qu'il me chante.  

" Pas de soucis, chacun son caractère. C'est derrière nous. " Explique-t-elle en commentant le caractère d'Alekseï. Aussitôt elle rajoute quelques mots, expliquant la direction qu'elle prend en voiture : " J'vous emmène à Barrington. Il y a une rue où on trouve un peu de tout, y compris un ancien médecin qui pose pas de questions. "

Alors qu'elle se tait et se concentre sur ce putain de feu de circulation qui refuse de passer au vert. Son passager du jour lui fait une confidence assez stupéfiante. L'afro-américaine glisse son regard de braise dans sa direction et affiche un large sourire. Il faut dire que les compliments elle aime sacrément ça. S'ils viennent d'un drôle de type, on s'en fiche un peu. Après tout qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse. Voilà que je cite Alfred de Musset maintenant, c'est à croire que la folie d'Alekseï est contagieuse.

" J'vous remercie, vous êtes même gentil maintenant. " Ajoute-t-elle en reprenant la route alors que le feu le lui permet. Elle vient en quelque sorte de lui faire un compliment en retour.

Barrington n'est plus qu'à un petit quart d'heure de route. Espérons que tout se passe bien, ou pas.

Les minutes filent heureusement rapidement. Il faut dire que Jellyka a autre chose à faire. Elle doit retourner à son cabinet et surtout tenter de reprendre contact avec le client qu'elle devait voir aujourd'hui. Elle espère qu'il ne lui ait pas arrivé malheur avec cet immense incendie en plein coeur de la foret de Black Mountain. Elle aurait bien passé un coup de fil dès maintenant mais elle a un passager avec elle et cette conversation téléphonique peut vite se révéler confidentielle. La belle afro-américaine s'impatiente alors au volant de sa Maserati blanche, elle roule relativement vite et dépasse quelques véhicules avant d'oser quelques accélérations sur les voies de droite. Non ce n'est pas une course mais elle compte bien rentrer rapidement afin de pouvoir s'occuper des affaires qu'elle a en cours. Ce n'est pas aujourd'hui qu'elle peut se permettre une journée de repos. Qui a dit que l'on travaille que lorsqu'on le désire quand on est patron ? Sûrement pas un avocat qui possède son propre cabinet, Jellyka en est la preuve. Avoir ses employés et personne au dessus de soi, c'est véritablement le gros bordel. On doit s'occuper de tout tout en gardant une sorte de retenue vis-à-vis des autres. Rien de plus chiant qu'être à la tête du plus grand cabinet d'avocats de cette fichue ville. Le téléphone sonne toute la journée et la salle d'attente est toujours remplie. On se bat pour avoir des rendez-vous et on paye parfois de grosses sommes d'argent pour avoir une place sur le planning de la patronne. Le problème c'est que lorsque l'on a du succès, on doit encore plus travailler que lorsque l'on en avait pas. Le motif ? On a maintenant des choses à prouver et une réputation à tenir. Jellyka le sait et elle sait également qu'on l'attend à son étage des Hills Towers. Je dis son étage car c'est belle et bien la propriété de sa boîte.

Ainsi, elle file le plus rapidement possible vers Barrington. Certes, elle demeure consciencieuse ainsi elle tente de respecter au mieux le Code de la route. Elle n'a pas envie de croiser de nouveau la route des flics surtout avec cet inconnu complètement dingue à coté d'elle. Qui sait quelle drôle d'idée tordue il pourrait encore inventer. Même s'il est plus calme et plus sympathique depuis quelques minutes, il ne faut pas trop s'avancer en la matière. Ce mec est visiblement un toxico, on ne va donc pas se mettre à parier sur ses possibles réactions. Pour l'instant il continue de remercier l'avocate et cette dernière garde un sourire aux lèvres. Elle reste gentille en retour et ne montre pas son empressement. Elle prend même le temps de raccompagner le Russe jusqu'à un médecin qui officie un peu au black dans les quartiers de Barrington. Que voulez-vous lorsque l'on défend des criminels toute la journée, on apprends de leurs petites combines. C'est comme un échange de bons procédés après tout. La Maserati entre enfin dans les coins les plus chauds de la ville. Une boîte de strip-tease en début de carrefour annonce direct la couleur. Nous voilà à Barrington et dans quelques minutes, Alekseï pourra recevoir des soins. Jellyka, elle, pourra reprendre la route vers l'Economic Center.

Alors que la belle est à quelques minutes de retrouver sa tranquillité, elle ressent la main du Russe sur son genoux droit. Il accompagne le geste de quelques juteux compliments mais elle lui lance un regard noir. L'afro-américaine ne monte cependant pas sur ses grands chevaux. Il y a deux raisons à cela, elle préfère une explication calme avant toute chose surtout lorsqu'il n'y a pas de quoi fouetter un chat. Quant à l'autre raison, elle sait bien que dans cette ville, nombreux souhaiteraient la traîner en justice pour gagner un peu de monnaie. Alors une patate dans la gueule et un nez cassé, c'est super pour motiver un chef d'inculpation. Ne se voyant pas du tout sur le banc des accusés, la jeune femme attrape la main de l'inconnu pour la retirer de sa tenue.

" Quelques mois plus tôt, vous aurez eu gain de cause. " Ajoute-t-elle en se souvenant de son addiction passée au sexe.

" Merci pour ces compliments mais on s'arrête là. J'essaie de calmer mon appétit. " Rétorque-t-elle en se garant sur le bas coté.

Aussitôt, elle regarde vers un immeuble en mauvais état. Elle fait alors un signe du doigt en sa direction, montrant une petite porte sur la gauche de la bâtisse.

" Vous cherchez Macon et vous venez de la part de Jellyka. Ça suffira. " Termine-t-elle sans quitter Alekseï des yeux.