Samedi fin de matinée, je me lève encore une fois avec la gueule enfarinée. J'ai merdé, ce soir on a l'ouverture de la piste à Flat Rock et j'ai encore picolé comme un sale hier soir. A ce rythme là, je vais finir par prendre le départ d'une course en ayant encore une paire de grammes dans chaque bras et vu les monstres que je possède, ça se finira certainement dans un mur ou sur le toit. Il faut que je me reprenne en main avant que ça n'aille trop loin. Je commence par me préparer un café et vais prendre une douche le temps que la cafetière se remplisse. Une fois rasé, je reviens à la cuisine et m'enfile une grande tasse de café bien noir et bien fort pour me donner un coup de fouet. Ce soir, Iroc nous ramène la crème de son carnet d'adresses et j'ai intérêt à être au point physiquement et mentalement. Après une pizza à midi, je me recouche pour finir de récupérer et c'est Tommy qui me réveille à 16:00 en sonnant à ma porte. Je me lève du canapé et vais lui ouvrir.

Tommy - T'as une sale gueule mon frère.
- Ta gueule et ferme derrière toi.

Je vais à la cuisine et attrape mes clopes au passage pour en allumer une avant de me servir un nouveau café.

Tommy - T'es en état de piloter ?
- Je l'ai toujours été, non ?
Tommy - Jusqu'à maintenant ouais. Mais on a passé l'age de se bourrer la gueule le soir et d'être frais le lendemain.
- Traite moi de vieux pendant que tu y es.
Tommy - J'ai quasiment le même age que toi, je sais ce que ça donne.
- Fous moi la paix avec ta morale de merde.
Tommy - Pas question, t'es notre leader et on a besoin de toi.
- Tu sais que tu me gonfle quand t'a raison ?
Tommy - Je sais mais c'est comme ça que tu m'aimes.
- T'es con !

Je ne peux m'empêcher de me marrer un instant.

- Abruti ! Tu veux un café ?
Tommy -Je veux bien.

Je lui sers une tasse et m'assoie à table avec lui pour discuter du programme de la soirée.

Tommy - J'ai fait monter les gars et Enola pour mettre les trucs en place. Haylina ne sait pas encore si elle pourra nous rejoindre.
- C'est pas grave, du moment qu'on a toute la section là-haut en cas de pépin.
Tommy - On a une dizaine de caisses qui viennent de Detroit pour le weekend. Ils ne devraient plus tarder. Ian les attends à l'atelier.
- Je suis pas au courant de ça.
Tommy - T'as pas toute ta tête en ce moment, j'ai pris la liberté de les appeler.
- T'as bien fait. Merci mon frère.
Tommy - De rien. J'ai aussi appelé Iroc pour lui dire de convoquer les pilotes pour 20:00.
- C'est nickel.

Tommy termine sa tasse de café et se lève.

Tommy - Je monte à Flat Rock pour superviser le bordel, tu nous rejoins dès que possible.
- Oui papa !
Tommy - Abruti. Arrête de te comporter comme un sale gosse et j'aurais pas besoin de me prendre pour ton père !
- Ouais...

Il se dirige vers la porte mais avant qu'il ne pose la main sur la poignée, je l'interpelle.

- Tommy ?

Il se retourne vers moi.

Tommy - Quoi ?
- Merci vieux frère.
Tommy - Laisse tomber, t'en ferais autant pour moi.
- Merci quand même !

Il m'adresse un signe de tête avant de disparaitre, me laissant seul avec mon café et les volutes qui montent de ma clope pour venir caresser le plafond. Heureusement qu'il est là et que je peux compter sur lui. En ce moment, la section n'a pas franchement de leader et sans un second efficace, ça serait un bordel phénoménal. Bon, il faut que je me reprenne en main pour ce soir et il ne me reste pas franchement de temps. Je repasse par la case douche en laissant la température au plus froid pour finir de dessaouler pour de bon. Une fois aux aguets, je reviens dans la piaule dans laquelle je ne dors plus depuis le départ de CJ et m'habille d'un classique jeans bleu que j'accompagne d'un t-shirt noir et d'un sweat gris qui affiche clairement le logo du club sur le cœur et dans le dos. Dans le placard de l'entrée, je ressors une vieille casquette Chevrolet avant d'enfiler des bottines de pilote et mon cuir des 66ers. Je ne peux pas sortir sans mon cuir, c'est impossible.

Je quitte ensuite la maison pour le garage et sort Red Devil avant de tout fermer. La température fraiche me revigore un peu plus et c'est avec un plaisir immense que je me glisse dans le baquet de ma Camaro rouge vif. Ce qui m'aide à tenir le coup, c'est de pouvoir compter sur des amis et de pouvoir me défouler avec mes monstres mécaniques. Je quitte l'allée de la maison et bifurque à droite pour prendre la direction de Flat Rock. Je me fais les 15km sur North Whitehall Road en roulant tranquillement, un peu trop puisque je repère finalement la Camaro de Ian arriver dans mon rétro avec une dizaine d'américaines dans son sillage. Je ne vais quand même pas me laisser doubler comme ça... Je met le pied au plancher et déchaine un hurlement sous mon capot. Je me retrouve en tête d'un convoi d'une douzaine de muscle cars grondants alors qu'on arrive au portail du circuit. Tommy m'a laissé une place pour garer ma caisse à coté de Hammer, j'y glisse Red Devil alors que les autres se garent à la suite des voitures de la section de Woodbury Hills. Je descend de voiture et salue tout le monde puis Tommy me prend à part un instant.

Tommy - T'as meilleure gueule. C'est de conduire ta Camaro qui te retape comme ça ?
- Ca et une douche froide après un demi litre de café.
Tommy - T'es en état ?
- Tu veux que je te mette ta branlée tout de suite pour te montrer ?
Tommy - Je ne pense pas que ce soit nécessaire.
- Ca ne l'est pas. Tout est prêt ?
Tommy - Ouais, on attends plus qu'Iroc qui doit arriver à 19:30 et les pilotes à partir de 20:00
- Nickel. Merci d'avoir géré l'organisation.
Tommy - C'est le rôle d'un second d'assurer quand le leader ne peut pas.
- Merci quand même.

En attendant que les différents protagonistes n'arrivent, je vais discuter un peu avec les gars de Detroit pour les remercier du coup de main. Avec une vingtaine de 66ers dans le coin, je doute que la situation dégénère à moins qu'un de ces cons de Rising Suns ne vienne nous chercher de trop près.

Iroc arrive à l'heure prévue et vient me voir dès qu'il est descendu de voiture. Je le salue et l'emmène à l'écart dans le garage pour pouvoir discuter tranquillement. Nous réglons les détails pour la soirée. Je lui laisse l'organisation des courses et me laisse le plus plaisant pour moi, me défouler sur la piste avec Red Devil. J'aurais pu prendre Black Knight mais je ne connais pas une seule voiture en ville qui puisse rivaliser avec ma Corvette et ma victoire serait moins agréable sans un peu de difficulté. Une fois les détails pour la soirée, il termine la conversation par une phrase qui me plait au plus haut point.

Iroc - Le temps que tout le monde arrive, il faudrait que tu prennes quelques uns de tes gars et que tu chauffes un peu la piste et les esprits.
- Ca marche.

Je ressors du garage avec Iroc sur mes talons et me dirige vers mes gars et leurs voitures. En chemin, je remarque que Dehlia et ses guignols sont déjà arrivés. Je lui ai déjà mis deux raclées et je ne suis pas sûr de trouver intéressant de lui en mettre une troisième. Je ne m'arrête même pas pour la saluer, j'ai bien mieux à faire pour l'instant. En arrivant près de mes gars, j'appelle nos meilleurs pilotes.

- Tommy, Sonny, Ryan ! Venez voir.

Mes trois meilleurs pilotes me rejoignent et je les briefe sur ce qui nous attend.

- On va tourner un peu sur la piste tous les quatre juste histoire de mettre un peu d'action. On en garde sous le pied, c'est juste pour ouvrir le bal. On lâchera la cavalerie quand il sera temps d'humilier des nases.
Tommy- Ca marche.
Ryan - On se fait un départ méthode restart de Nascar ?
- Un départ lancé ?
Ryan - Ouais, t'en penses quoi ?
- Pas bête, on se fait deux tours de chauffe pour monter les gommes en température et ensuite on fait gronder les monstres.
Tommy - Coddy prend la tête, je passe en deux, Ryan ferme la marche, on se la fait à l'ancienneté.
Sonny - Ca marche.
Ryan - Ok, on va amuser la galerie.
- En voiture !

Nous montons en voiture et les quatre V8 démarrent à l'unisson, emplissant l'air ambiant de décibels. Avant de partir, j'appelle Harry pour lui demander un service.

- Tu fais attention qu'il n'y ai pas un connard qui aille traverser la piste avec sa caisse pendant qu'on tourne.
Harry - Ca marche.

Je passe la première et m'engage sur la piste avec Hammer, Obsidian et MotiV8r qui me suivent de près. J'attaque le premier tour sur un rythme de sénateur en donnant des coups de volant pour faire chauffer mes pneus. Mes potes en font autant et à chaque coup de volant j'ai envie de mettre le pied au plancher mais la patience est une vertu ce soir avec la température fraiche qui règne ici. Avoir cette piste à disposition me donne envie de me déchainer mais il faut que j'en garde sous le pied. Les zigzags se font moins nombreux sur le deuxième tour de chauffe et à la sortie du dernier virage avant la ligne de départ, je lance le restart dans un grondement de pure puissance américaine. J'enquille le premier virage avec Red Devil qui vire sur des rails avec Hammer qui me talonne. La grande courbe à droite est avalée à pleine charge mais j'anticipe le freinage sur le double gauche suivant pour éviter de me faire piéger à cause du froid qui réduit mon adhérence.

J'assure ensuite le coup sur la chicane en évitant de monter sur les vibreurs puis met le pied au plancher sur la ligne droite. C'est plus fort que moi, avec cette ligne droite qui me tends les bras, je ne peux m'empêcher de sortir toute la cavalerie. Dans mon rétro, je vois Sonny décaler Obsidian et doubler Tommy pour venir se placer à ma gauche pour glisser à l'intérieur sur le gauche serré. Avec presque 100ch de plus que moi, il n'a pas de mal à se glisser à l'intérieur pour sortir en tête sur la ligne droite étroite qui passe devant le garage. Je ne cherche pas à le repasser car j'arrive tout juste à garder le même rythme que lui, ce qui me fait dire qu'il n'est pas à fond. Nos quatre muscle cars passent en trombe devant l'entrée ou Harry a arrêté des Rising Suns par sécurité. Sonny lève le pied et me laisse repasser devant. Nous faisons trois tours de plus sur le même principe avant de retourner nous garer. Il vaut mieux garder des forces pour les courses importantes. Harry libère le passage et laisse entrer les autres pilotes alors que je me pose sur le capot de Red Devil pour fumer une clope. Les runs vont pouvoir commencer.

Bon sang, mais pourquoi il répond pas. Jellyka avait beau tourné en rond dans son bureau, essayer toutes les lignes qu'elle connaissait, elle n'arrivait pas à joindre Coddy McQuarters. Elle venait d'échanger un coup de fil avec l'avocate de sa future ex-femme et cette dernière avait fait un sous-entendu qui si il était vrai, risquait de tout compromettre. Vous comprenez ? Tout ce boulot foutu en l'air si rapidement, c'était pas imaginable pour Jellyka qui devait avoir une réponse capitale afin de savoir si oui ou non, son travail était réduit à néant. Il fallait donc qu'elle mette la main sur Coddy et elle allait y arriver, quitte à retourner la ville si nécessaire, elle voulait une réponse dans l'heure et quand Jellyka exige, Jellyka obtient. Le problème c'est que ce coup de fil de l'adversaire s'est pointé comme un cheveux sur la soupe à 17heures55. Tenez-vous bien, juste assez tard pour faire chier et assez tôt pour avoir quelqu'un au bout du fil. Bordel de dieu, personne chez Coddy Street Machine, tu m'étonnes c'est fermé à 18heures30. Chez Coddy, personne non plus. Mais sans déconner, il est passé où et pourquoi on tombe direct sur sa boite vocale. Un téléphone ça se charge, surtout quand on veut divorcer ! Ainsi, agacée Jellyka quitte Stanford Valley, pied droit enfoncé sur l'accélérateur. La Maserati n'est qu'une furtive image pour les passants qui se promènent par là. Il a tout de même pas été assez con pour faire un truc comme ça, la belle tourne le problème dans tous les sens et elle veut croire que ce n'est qu'une tentative vaine de l'adversaire de mettre le doute dans sa défense. Mais comme toute tentative, elle doit être vérifiée, il ne faut jamais laisser à qui que se soit le loisir de vous surprendre, sinon vous êtes mort ! L'audience est dans moins de 10 jours, si Jellyka doit modifier sa défense, elle doit le savoir maintenant et non la veille. La veille, elle n'aurait plus qu'à crier aux droits de l'homme et au principe du contradictoire, mais là encore, ça n'empêchera en rien Coddy de se faire déplumer par sa nymphomane de bonne femme.

Bon, aux grands maux les grands moyens, le dernier lieu où on est susceptible de trouver ce Coddy McQuarters à une heure si tardive, 20heures30 tout de même, c'est même plus des heures supplémentaires pour le coup. Ne faites jamais, jamais avocat ! Enregistrez le, vous passez votre vie à courir après des courants d'air et le plus souvent pour rien du tout mais comme il faut en être certain et bien vous courez tous les jours. Le Flat Rock Raceway, quel étrange lieu, Jell un peu de courage, vu le monde garé sur le parking, il doit être là et s'il n'est pas là, on va faire tous les bars de la ville jusqu'à le retrouver et si, si par malheur, la réponse à cette fichue question capitale est positive, on l'étrangle ! La Maserati blanche s'arrête en trombe sur le parking, Jellyka en descend perché sur des escarpins blanc et une robe moulante assortie. Elle fait un contraste catastrophique avec les gens présents, sac Chanel immaculé sous le bras, téléphone accroché à l'oreille pour un énième message sur le répondeur, elle entre dans le lieu. La jeune femme raccroche et demande alors à une demoiselle habillée de cuir.

" J'peux trouver où McQuarters ? "

" Il est sur la piste là. "

Jellyka lève les yeux au ciel mais un inconnu s'approche d'elle.

Viktor s'était laissé tout de même convaincre par Nicolaï. Il se retrouvait à présent au Flat Rock avec son bras droit et Yuri. Il est vrai qu'il ne fallait pas perdre de temps mais tout de même ! Viktor aurait voulu au moins se reposer quelques heures avant de commencer à préparer le terrain et dégager la voie à la fraternité dans le coin. Mais tout d'abord, il fallait recruter de bons pilotes. Il leur fallait des personnes de confiance, sachant piloter comme personne... Escorter le convoi depuis la prison jusqu'aux différents endroits ou doit être dispatché la marchandise si prisée n'était pas la seule chose à faire. Il fallait aussi être capable de garder son sang froid en cas d'embuscade ou de poursuite avec les forces de l'ordre. En outre, il fallait que ces types sachent fermer leur clapet en toute circonstance. Il ne fallait pas non plus qu'ils soient trop solitaires étant donné que pour chaque voyage, un membre de la fraternité armé les accompagnerait... Bref, à peine une journée dans cet endroit et il fallait déjà recruter. Cela n'allait pas être facile.

Viktor, en plein dans la foule, s’arrêta soudain et se tourna vers Nicolaï, les mains dans les poches, l'air complètement blasé.

" Putain Nicolaï ! Tu m'amènes ici pour recruter des pilotes pour le business... On connait personne ici ! "

A cela, Nicolaï rétorqua :

" Tu sais très bien comment je travaille patron ! Voilà ce qu'il faut savoir pour notre recrutement. Il y a plusieurs groupes en ville qui se spécialisent dans les grosses bagnoles. L'un de ces groupes détient apparemment ce complexe. C'est une inauguration il parait donc d'autres groupes ainsi que des pilotes freelance vont également venir. Il nous suffit de laisser trainer nos oreilles et... "

Mais Viktor l’interrompit. Il regardait à droit et à gauche, semblant rechercher quelque chose... Ou quelqu'un.

" Mais merde ! "

" Viktor ? "

" Nicolaï... Tu m'expliques une chose ? Ou est passé encore une fois cet abruti de Yuri Petrow ?! C'est pas possible ça ! Je te parie que cet idiot est parti bouffer une bonne barbe à papa ! "

" Ouais... Une belle barbe à papa bien rose... "

Les deux se regardèrent dans les yeux et éclatèrent de rire.

" Imagines Yuri si il entendait ça ! "

Mais un grognement derrière eux leur fit comprendre que le principal intéressé était déjà de retour, qu'il avait entendu ce que les autres avaient dit et que ça ne le faisait pas du tout rire.

" Mais merde les gars ! Arrêtez, c'est saoulant à force. Une ou deux fois c'est drôle mais ensuite ça prends la tête ! "

Viktor allait le chambrer une nouvelle fois mais se rendit compte que son homme de main avait ses deux mains prises avec trois énormes gobelets de bière. Le chef fronça les sourcils, posa son regard sur le breuvage alcoolisé avant de le plonger droit dans celui de Yuri.

" C'est - quoi - ça ! "

Yuri, de son sourire habituel, leva les bières au niveau de son visage et dit sur un ton jovial :

" Bibiiiine ! C'est la fête ici ! J'ai juste été chercher des bières ! "

Il se prit une claque derrière la tête par Nicolaï, qui lui lança une série d'injures en russe. Lorsqu'il se prit le coup, un peu de bière se renversa à terre.

" Nicolaï fais gaffe ! Les bières ne sont pas données ici ! "

Viktor poussa la voix.

" Bon ça suffit vous deux ! On dirait une bande de gamins ! "

Yuri parut vexé mais fit sa petite distribution. Il donna une bière à chacun et se mirent à marcher. Nicolaï balança la sienne dans la première poubelle qu'il croisa, ce qui mit le jeune homme qui lui avait offert de bon cœur de mauvaise humeur. Viktor lui pesta et demanda à son homme de main pourquoi il lui avait donné une chose pareil en plein milieu de la foule. Il décida donc de trouver un coin un peu plus au calme pour boire sa boisson sans se faire bousculer mais trop tard !

Un homme, légèrement saoul, se dirigeait vers une jeune femme de toute beauté mais faisant énormément contraste avec le reste de la populace, que ce soit par rapport à son style vestimentaire qu'à son élégance naturelle. L'homme, titubant, voulait sans doute lui faire la courre à la manière des pauvres péquenots du coin mais c'était sans compté le fait que Viktor passait entre les deux à ce moment là. L'ivrogne allait d'un pas décidé et le choc fut assez violent pour faire perdre à moitié l'équilibre du russe. Le contenu de son verre en plastique se déversa un petit peu sur sa veste hors de prix mais la totalité du reste de la bière aspergea la pauvre jeune femme. Avant que Viktor ne puisse dire quelque chose, l'homme commença à s’énerver et l'insulta, insinuant de façon assez vulgaire au mafieux de copuler avec sa mère par un orifice non conventionnel. Nicolaï attrapa la personne par le col et le tira en arrière tout en le balayant d'un coup de pied dans les jambes. Le grossier personnage tomba face contre terre et le bras droit de Viktor lui fit une clé de bras pour l'immobiliser.

" Patron ?... "

Viktor frotta en vain les endroits mouillés de sa veste et dit à Nicolaï :

" Ce mec il est en vrac ! Vas avec Yuri dans un coin lui expliquer qu'il ne faut pas insulter les gens de façon aussi grossière ! En plus... "

C'est à ce moment là qu'il remarqua Jellyka, trempée par la bière, celle qu'il tenait quelques seconde plus tôt dans ses mains.

" Bon sang ! Mademoiselle, vous me voyez vraiment confus ! Je ne . . . Je suis vraiment désolé de vous avoir mis dans cet état... "

Il se tourna vers Yuri et Nicolaï, qui commençaient à partir avec l'inconnu.

" HE YURI ! VIENS LA ESPÈCE D'IDIOT ! "

Yuri revint aux cotés de son chef et commença en se faire engueuler.

" Avec ta bière de merde regarde ce que tu m'a fait faire ! CRÉTIN ! "

Puis il se tourna de nouveau vers l'avocate, changeant littéralement d'humeur, passant de l'état colérique à l'état mielleux.

" Je suis vraiment désolé encore une fois mademoiselle. "

Il sortit une petite carte en carton et la tendit à la jeune femme.

" Voici mon numéro de téléphone mademoiselle. Je suis près à payer tous les frais de pressing et autre. Si seulement mon ami n'était pas un " Sobaka " ! "

Yuri s’immisça dans la conversation.

" Euh Viktor ça se fait pas... Dis pas que je suis un connard enfin... "

" TOI DÉGAGE DE LA ESPÈCE DE CON ! TU FAIS TROP DÉGÂT ! "

La bêtise de son camarade lui fit perdre quelque peu son sang froid et l'accent russe qu'il s’efforçait de cacher en permanence en Amérique ressurgit lorsqu'il s’énerva. Yuri ne demanda pas son reste et du coup Viktor se présenta.

" Viktor Vitali pour vous servir... Euh... L'odeur de la mauvaise bière doit vous déranger je suppose... Je suis vraiment mal à l'aise là... "

Jellyka est perdue dans ses pensées, elle regarde les courses sur la piste, appuyée contre un mur, un peu à l'abris de la foule. Enfin concernant l'abris en question, on repassera parce qu'un mec avec un costard taillé sur mesure ne trouve rien de mieux que venir trébucher dans un alcoolique à quelques centimètres de la belle avocate. La jeune femme n'a pas le temps de bouger, elle se retrouve couverte de bière mais ce qui suit est encore plus comique. Le mec au costard semble plutôt quelqu'un d'important enfin du moins c'est ce qu'il laisse paraitre devant les zigotos qui le suivent de près. Jell d’abord agacée de se prendre une douche de bière ne peut s'empêcher de rire aux éclats lorsqu'elle voit le type maladroit entrain d'engueuler littéralement un certain Yuri. Mais d'où ils sortent tous ? L'homme s'excuse encore, sortant sa carte tout en s'excusant au point de lui parler du pressing pour sa robe. Un homme distingué, tout de même, c'est important et voilà qui attire l'attention de la belle afro-américaine. Le Yuri en prend encore pour son grade et l'avocate ne peut s'empêcher de sourire, elle oublie la douche de bière et surtout McQuarters. Oui sur ce dernier point, il ne faut pas qu'elle zappe qu'elle doit poser une fâcheuse question à son client. Pour le moment ce dernier fait joujou sur la piste, alors en attendant autant passer le temps avec ce Viktor Vitali. C'est quoi ça ? C'est Russe ou Italien ? Oh et puis on s'en fiche, c'est très bien pour ce que c'est.

" Non mais c'est pas grave, c'est qu'une robe. " Ajoute l'afro-américaine en s'essuyant comme elle le peut mais c'est trop tard, la robe est bonne pour le pressing. Enfin, le pressing c'est si Jellyka a le temps et la poubelle c'est dans le cas contraire. Dans tous les cas, c'est pas bien grave, ce n'est qu'un bout de chiffon à quelques milliers de dollars. Relativisons les enfants, relativisons. Ce Viktor s'excuse encore platement tout en se présentant officiellement, Jellyka lève alors les yeux de la carte vers son interlocuteur. Pour vous servir ? Ça mon coco, tu vas pas le redire deux fois.

" Puisque vous êtes là Viktor, offrez dont moi une bière. " Reprend la belle, même si elle préfère le champagne à l'habitude, autant s'adapter. Elle abandonne l'idée d'essuyer sa robe et attend une quelconque réaction de son interlocuteur avant d'ajouter : " Au fait, Jellyka Anderson, avocate, enchantée. "

Bon c'est bien beau tout ça mais il est passé où McQuarters ? Avec tout le remue-ménage que l'on fait, il devrait pointer le bout de son nez quelque part. Puis comment lui demander ce que Jellyka a à lui demander ? C'est complètement absurde ! Excusez moi Monsieur McQuarters, vous avez niqué récemment ? Non, parce que votre ex-femme estime que suite à son départ, votre caractère coureur de jupon a du remonter à la surface et que donc vous aussi, vous avez vicié votre mariage. Vous voyez Monsieur McQuarters, si c'est le cas et si je dois reprendre toute ma stratégie de défense à zéro, sachez que je vais hurler tellement fort que je vais vous faire passer l'envie de soulever les jupettes.

La voix était tout aussi charmante que la demoiselle. Viktor était charmé. Jamais il n'aurait pensé une seule seconde rencontrer une personne de ce genre dans cet endroit empestant les gaz d'échappement, la bouffe rapide et l'homme moyen mijotant dans son propre jus. Bien sur, l'odeur que Jellyka se coltinait désormais à cause de la bière de l'homme de l'Est la rapprochait du bon peuple mais cela ne la mettait pas en valeur. Elle proposa à Viktor de lui offrir un verre, ou plutôt une bière... Était ce ironique ? Il l'ignorait. Mais il ne pouvait la laisser en plant. La chasse aux pilotes allait attendre encore un peu.

" Mais volontiers mademoiselle Anderson... Humm... "

Il se mit à chercher du regard un endroit ou l'on pouvait s'assoir et commander à boire et en repéra un assez vite, non loin de l'endroit ou ils se trouvaient. Plusieurs tables ou des badauds s'installaient pour s'enfiler de l'alcool un peu plus tranquillement, tout en discutant.

" Tenez, la bas, il y a une table libre. "

Il désignait une table ou trois jeunes discutaient bruyamment en sirotant du soda. Il s'y dirigea, s'installa autour de la table avec eux, ce qui mit un frein à leur conversation. L'un des jeunes demanda avec agressivité ce qu'il foutait à leur table. Ce à quoi Viktor répondit :

" Je vous conseille de dégager de là en vitesse les gamins ou mes potes et moi on vous brise les genoux... Pigé ? "

L'un des garçons pouffa de rire et allait rétorquer quelque chose mais il fut interrompu par Yuri. Celui ci venait d'arriver dans le dos de Viktor et lui tapa sur l'épaule avant de lui chuchoter quelque chose à l'oreille.

" Putain Viktor... Ya Nicolaï ce con il a pété la clavicule du poivrot ! "

Surprit, le chef l'attrapa par la cravate et l'approcha de son visage.

" Vous me faites chier tous les deux aujourd'hui ! C'est l'air trop pur de ce putain d'endroit qui vous rends cons ?! "

Il lacha Yuri, qui se redressa et remit son col de chemise en place.

" Désolé patron ! "

Entre temps, les jeunes s'étaient sauvés sans demander leur reste.

" On s'en fout de ce con ! "

Il vit que Jellyka était là et se calma.

" Vas nous chercher deux bières... SANS - LES - RENVERSER - YURI ! Ensuite, toi et Nicolaï vous dégagez de là ! je ne veux pas que vous trainiez plus dans le coin. Et vous me laissez ma voiture. "

Yuri allait protester mais Viktor continua.

" Vous vous tirez comme vous voulez ! En stop, en taxi, rien à foutre, c'est votre bordel ! Ensuite, vous allez à mon appartement y déposer mes affaires et vous m'attendez là bas. "

Il écrivit quelque chose sur un bout de papier et le donna à son homme de main.

" J'habite là, c'est en centre ville. Vous attendez et vous cassez rien ! Allez, les bières Yuri, réaction ! "

Yuri s'en alla. Viktor se redressa et tira une chaise vers lui, invitant de ce fait la belle à s'assoir.

" Mademoiselle Anderson, sachez que le hasard fait bien les choses. Je viens tout juste d'arriver en ville avec mes amis et il se trouve que notre avocat et nous avons décidé de ne plus se voir. Nous ne le trouvons pas assez performant. Aimeriez vous etre l'avocate représentant les intérêts de notre euh... Petite société ? "

Jellyka s'installe en compagnie de Viktor à une table pendant que Yuri accoure chercher de quoi boire. On dirait bien qu'il s'agit de son homme de main qui est certes un peu maladroit voir tout à fait complètement sur la lune, mais son homme de main tout de même. La belle avocate ne peut s'empêcher de rire et il faut dire que dans sa situation de tension vis à vis de l'affaire McQuarters cela est plutôt bienvenue. Elle finira bien par croiser Coddy pour lui poser cette maudite question, cette fichue question avec une réponse décisive qui elle pourrait vraiment mettre Jell de mauvais poil. Oui, car à coté une bière renversée c'est rien du tout, mais une défense à refaire moins d'une semaine avant un procès, c'est plus compliqué et surtout beaucoup plus chiant. Viktor et toute sa petite compagnie, quel drôle et étrange spectacle à la fois, sans doute rien de très légal mais rien de très illégal non plus, du moins dans l'apparence bien sur car pour le reste, chacun seulement connait la réalité des choses. Jellyka n'en a un peu que faire, elle a pu défendre des innocents comme des coupables et cela ne modifie en rien le résultat de son travail ni même l'intensité ou le sérieux avec lequel elle l'effectue. Si, on ne voudrait pas qu'un méchant s'en sorte, il ne faudrait tout simplement pas lui donner le droit à avoir un défendeur. À partir du moment où nos têtes pensantes complètement abruties en décident ainsi dans leur hémicycle, ce n'est pas pour jeter la pierre à ceux qui, dans la pratique, appliquent leurs idées tordues.

Revenons à nos moutons et trêves de balivernes, voilà Viktor qui parle affaire alors que Yuri ramène ses bières. Tout en gardant un oeil vers l'homme de main qui est armé et c'est véritablement le cas de le dire, parce que à défaut de savoir s'il fait des dégâts avec un arme de poing, il en fait à coup sur avec de la bière. Sur ce dernier point, j'ai des sources sûres, vous pouvez prendre cette information comme argent comptant. La belle écoute attentivement Viktor et ce dernier lui propose du travail avec une facilité déconcertante. Comme Jellyka ne dit jamais non à fourrer le nez dans les affaires des autres, surtout lorsque cela lui permet de faire grandir la réputation de son cabinet, c'est avec un grand sourire qu'elle répond à son interlocuteur.

" Bien sur, je suis toujours présente pour de nouvelles affaires. "

Ajoutant les gestes à la parole, elle sort de son sac à main hors de prix, une petite carte de carton plastifié et la tend à Viktor.

" On peut toujours en discuter dans la semaine, il suffit que vous appeliez au cabinet pour prendre rendez-vous. " Rétorque l'afro-américaine en jetant un regard en coin à Yuri. Ce dernier slalome, bières en main, entre les curieux et la foule compacte.

Viktor souffla de désespoir en voyant Yuri s'approcher avec les bières en avançant comme un funambule amateur sur un vieux câble rouillé. Il voyait déjà ses bras tremblants renverser les bières... Et avec la malchance qui semblait le poursuivre ce jour là, c'était plus que probable. Il se leva donc et prit les boissons des mains du jeune homme avant de les déposer délicatement sur la table en regardant son invitée avec un grand sourire. Il se remit à table, bien calé dans sa chaise et leva sa chope dans l'intention de trinquer... Avant que Yuri ne prenne la parole.

" Alors patron ? On est là que depuis une journée et on se trouve déjà une poule ? Elle est canon en plus ! "

Viktor fronça les sourcils mais cela ne se vit pas étant donné qu'il cachait son visage dans sa main et qu'il secouait la tête lentement, irrité à souhait.

" Yuri... "

" Euh oui patron ? "

" Yuri... Apprends donc un peu des fois à FERMER TON CLAPET ! "

Le jeune homme recula un peu lorsque son chef haussa la voix. Il savait ce qu'il pouvait en couter d’énerver Viktor. Il baissa donc la tête.

" Désolé Viktor... "

Mais Viktor lui, n'était pas satisfait.

" Ce n'est pas à moi qu'il faut s'excuser mon frère mais à la demoiselle ! Cette femme s'appelle Jellika Anderson. Pour nous ce sera maitre Anderson. C'est notre avocate Yuri ! "

Le pauvre en apprenant cela se confondit en excuses avant de se faire dégager par Viktor qui commençait à bouillir de l'intérieur. Il leva ensuite sa bière et clama avec un accent russe parfait :

" Maitre Anderson, comme on dit chez moi; Za tvoyo zdo´rovye ! HAHAHA ! "

Il but une gorgée sans se soucier si la belle en faisait autant puis reposa son breuvage avant de dire sur le ton le plus sérieux du monde :

" Maitre, j'appelle demain matin à la première heure pour notre rendez vous, j'aimerai déjà m'entretenir avec vous de certaines choses qui me tiennent à cœur... "

Plutôt que de rester à l'appartement devant la télé, je décide d'aller faire un tour pour me changer les idées. Je quitte mon appartement avec une veste légère sur le dos et les clés en main. Je sors ma Dodge Charger du garage et quitte le quartier en roulant tranquillement. Je met de la musique et monte le volume de l'autoradio juste assez pour entendre encore le moteur. Mon père a fait tellement du bon boulot sur cette voiture que je ne me lasse pas de la conduire et ce soir ne fait pas exception. C'est toujours un plaisir de conduire ce bijou. Je fini par quitter la ville et m'engage sur North Whitehall Road sans vraiment réfléchir au but de ma promenade. Peu importe de toute façon, j'ai surtout envie de rouler pour me changer les idées. A une quinzaine de kilomètres de la ville, je remarque un panneau annonçant un circuit de voiture. Alors que je ralentis, une voiture modifiée me passe sous le nez et tourne sous le panneau. Il doit y avoir de l'activité au circuit ce soir et finalement je décide d'aller voir. Ca me changera les idées et après tout je suis je suis sorti pour ça.

Je tourne à droite et suis la route étroite et sinueuse en me demandant où je peux bien me diriger. Même quand j'étais gamin, je n'ai jamais mis les pieds ici et je n'ai pas le souvenir qu'il y avait un circuit ici. En tout cas, c'est une bonne idée d'avoir fait ça ici même si cette minuscule route me semble ne me mener à rien. A la sortie d'un virage plus serré que les autres, je tombe derrière la voiture que j'ai vu tourner sous mon nez. Un homme, d'une taille gigantesque avec une barbe fournie et des tatouages sur les avant-bras, portant une veste en cuir avec le logo d'un club filtre les entrées sur le circuit. Il laisse passer la voiture et me demande d'avancer.

Harry - Salut. Sympa ta Charger. Va te garer avec les 66ers si tu veux que ta caisse ne risque rien.

Je ne sais pas de quoi il me parle, cet univers n'est pas le mien et je vais avoir besoin d'explications.

- C'est quoi les 66ers ?
Harry - Des mecs qui roulent en américaine et qui portent le même cuir que moi.
- J'les trouve où ?
Harry - Juste en face, tu peux pas les rater.
- Ok, merci.

Il me laisse passer et j'entre sur le circuit en roulant tranquillement pour ne pas retrouver un piéton sous mes roues. Je repère facilement des hommes avec des vestes en cuir qui portent le même logo dans le dos. Certains sont de Woodbury et d'autres de Detroit. Je m'avance tranquillement et remarque que chacun des membres de ce club me regarde sans que j'y vois une attitude agressive. Je m'arrête et baisse à nouveau ma vitre pour demander à l'un d'eux si je peux me garer.

- Je peux me garer par ici ?
66er - Sans problème mon pote, pose ta caisse après les notres mais reste dans le coin, j'en connais un qui ne va pas tarder à venir te voir.
- Je peux me garer ailleurs si je gène.
66er - T'en fait pas mon pote, pose toi après la Mustang bleue là-bas.
- Merci.

Je redémarre et vais me garer comme me l'a indiqué le 66er après la Mustang. Je coupe ensuite mon moteur et descend de voiture avant de regarder autour de moi. Les voitures ici sont magnifiques et je crois que mon père aurait apprécié le spectacle.

Depuis que j'ai tourné avec mes potes sur la piste, personne ne se lance et une furieuse envie d'en découdre commence à s'emparer de moi alors que Tommy me tape sur l'épaule pour attirer mon attention. L'urgence se ressent dans son geste et je fais volte-face pour savoir ce qui le pousse à faire ça.

Tommy - Mate c'qui arrive mon frère !

Je suis la direction de son bras et remarque un pur bijou qui passe entre nos voitures. Je n'ai aucun mal à reconnaitre la voiture qui arrive par ici car j'avais la même en Floride, une Dodge Charger 500 de 1969, seulement produite à 500 exemplaires. C'était une de mes voitures préférées et encore aujourd'hui je la trouve tout à fait à mon goût même si Tommy est bien plus excité que moi en la voyant. En pur fan de Mopar, il tient plus du môme devant un magasin de jouet que du pilote stoïque et maitre de ses nerfs mais j'avoue que cela m'amuse et que je serais dans son état si j'avais devant moi une vraie Camaro Yenko ou une COPO de 1969. Je connais sa passion pour les Mopars et le voir comme ça ne m'étonne pas.

Tommy - J'vais l'voir, tu viens ?
- J'arrive.

Je suis curieux de voir qui roule avec une Charger 500 de 1969 à Woodbury, je ne savais pas qu'il y avait une caisse comme ça dans le voisinage. Tout en m'allumant une clope, je suis Tommy jusqu'à un grand brun en train de s'extraire de sa Dodge. Il ne porte aucun signe distinctif d'un club quelconque, c'est soit un pilote indépendant qui voyage comme je l'ai fait il y a quelques années, soit ce n'est pas un pilote. En tout cas, je ne compte pas lui laisser le choix. Il va me tenir compagnie pour ouvrir la piste de dragster où je le fous dehors de mon circuit. Arrivés à la Charger, Tommy se penche dessous alors que j'accoste le propriétaire.

- Salut. Belle caisse, j'avais la même il y a quelques années.
Tommy - Hemi 426, Torqueflite, elle a ce qu'il faut pour le drag mais pas pour la piste.
- Laisse la voiture de monsieur, tu réagirais comment si un mec venait inspecter les dessous d'Hammer ?
Tommy - Pardon mon pote ! J'm'appelle Tommy.
- Et moi Coddy, on ne va pas perdre de temps. Je te veux sur le dragstrip dans cinq minutes pour le premier run contre moi. Fallait pas venir avec une aussi belle caisse. Tommy tu le briefe !
Tommy - Ca marche.

Je m'éloigne sans laisser le temps à Neil de me répondre. Je ne sais pas ce qu'il a dans le ventre mais avec un Hemi 426 sous le capot, il a les armes pour faire un joli run sur le quart de mile. Je vais rejoindre Enola car j'ai une idée en tête pour la tester une fois de plus. Elle va donner le départ de la course entre cette Charger 500 et Red Devil.

- Enola !
Enola - Ouais ?
- Bouge ton cul et va te mettre sur la ligne de départ du dragstrip, tu donnes le départ de la prochaine course.
Enola - Tu m'as prise pour une bimbo ?
- Non, pour un rookie alors bouge ton cul bordel !
Enola - Ok...

Elle a du répondant la nouvelle mais il ne faut pas qu'elle oublie où est sa place et que je suis le leader de la section de Woodbury Hills. Elle aura le droit de se la couler douce sur le capot de sa caisse quand elle portera un cuir, pas avant. Alors qu'Enola se dirige à pied vers la ligne de départ, je monte à bord de Red Devil et démarre en douceur pour aller m'aligner et attendre Neil et sa Charger.

Ce jour là, en rendant les clefs de la chambre 22, Marie avait annoncé à Jorgen son intention de rester un peu plus à Woodsbury Hills. Elle irait bien sur se logé dans l'appartement de son frère, enfin le sien à présent, elle avait encore du mal à se faire à cette idée. Le norvégien se réjouit pour elle et l'invita à continuer à passer prendre le petit déjeuner avec lui quand elle le voudrait, il semblait qu'il ait pris gout à la présence de la jeune femme et à leurs discussions matinales. Marie lui avait dit que bien sur elle devrait avant tout trouver un job, si possible dans sa branche mais à dire vrai, vu l'état de son compte en banque, elle était prête à accepter n'importe quel petit boulot, même un boulot de serveuse. Jorgen l'avait interrogé sur ses anciens jobs et avait eut l'air surpris d'apprendre qu'elle était branchée mécanique.

T'es tombé dans la bonne ville alors
Y a tout un tas de club ici qui sont des fanas de grosses bagnoles et de course.
C'est leur façon de jouer à qui pisse le plus loin
D'ailleurs y a le livreur de soda qui m'a dit que ce soir ils inauguraient une piste aujourd’hui, son frère est pilote et il doit y être.
'fin si tu cherches un taf, tu devrais peut-être aller voir là bas.

C'est ainsi que Marie s'était enquit du lieu exact et en faisant du stop une grande partie du chemin puis en finissant à pied, avait fini par atterrir à cette fameuse inauguration. Il y avait pas mal de monde déjà et une quantité de chouettes bagnoles sur le parking. Sachant ce genre de mecs chatouilleux quant à leurs engins, Marie ne s'attarda pas à les regarder et gagna directement la zone de course et des spectateurs en suivant d'autres groupes. Comme elle mourrait de soif, elle acheta une bouteille de bière à un marchand ambulant et se promena sur l'esplanade, sans trop de but. A présent qu'elle était ici, il lui semblait difficile d'aller accoster les coureurs pour offrir ses services de mécano. Marie était d'un naturel réservé et pas du genre à s'imposer auprès d'inconnus. Elle haussa les épaules, au pire elle verrait de belles courses. Elle grimpa tout en haut de l'estrade en bois réservée aux spectateurs et s'installa prête à admirer les rugissantes mécaniques.
Une nana s'avança alors que deux voitures s'alignent, une Dodge charger 500, un modèle de 69 comme dans la série que Marie affectionnait quand elle était jeune, Shérif fais moi peur, il lui manquait que le 01 sur les portières; l'autre voiture était aussi un modèle de 69, une Chevrolet camaro d'un rouge étincelant, et visiblement très bien entretenue mais le cœur de Marie balançait déjà pour la Dodge.
Le départ allait être donné.

" Pas de soucis Viktor, contactez moi demain. Je serais toute à vous pour écouter vos futurs projets. " Ajoute la belle tout sourire avant de terminer sa bière relativement rapidement. Ce n'est pas que la discussion est désagréable au contraire, c'est même drôle et donc ça fait passer le temps, c'est prenant et sympathique. Tout de même, elle est venue ici pour bosser et faire de nouveaux contacts est une bonne chose mais ce n'est pas la raison première de sa venue en ces lieux plutôt étranges. Ainsi la belle reprend aussitôt la parole tout en se levant, elle serre de nouveau la main à Viktor : " J'attends votre appel ? C'était un plaisir mais du travail m'attends, je dois voir un client. "

Ainsi, la belle se lève et quitte la table discrètement. Elle fait quelques pas, tâchée de bière et donc gracieusement parfumée. Elle continue de chercher McQuarters des yeux afin de lui poser cette fichue question pour enfin savoir si elle peut être tranquille jusqu'au jugement ou si elle doit revoir toute se défense de A à Z. Il vaudrait mieux pour les oreilles de son client que ce ne soit pas le cas car se retaper une défense entière quelques jours avant le verdict, c'est loin d'être de tout repos. La belle se faufile entre les gens, ils puent tous la bière ou bien c'est elle qui cocote ainsi ? Bordel de Dieu, vivement que cette journée se termine. Une douche brûlante et une bonne soirée de repos devant la télévision sur le canapé. Quel doux plaisir et quelle bonne idée mais pour cela encore faut-il mener à bien cette fin de mission. Pour une mission, ça en est une, elle a déjà perdu sa robe, allez savoir ce que va lui couter encore cette question de dernière minute. Ne faites jamais avocat, sérieusement écoutez moi, si vous souhaitez conserver un minimum de vie et de sanité d'esprit, ne faites dont jamais avocat ! Alors que la belle en vient à se demander si son choix de carrière était le bon, elle aperçoit McQuarters. Me dites pas qu'il va commencer une nouvelle course là. Bordel ! Ah non ! Combien de temps ça va durer ça encore ?! Je vais donc y passer toute la nuit, hors de question.

Il n'en faut pas plus pour que Jellyka quitte les lieux à toute vitesse, elle rejoint la foule compacte autour de la piste, bouscule tout le monde. Coddy entre dans sa caisse et commence à rouler pour s'aligner au départ. Jell presse le pas et lui coupe la route en sortant de nulle part. À deux doigts de passer sous les roues, elle dépose les deux mains sur le capot de la caisse de Coddy. Cheveux en pagaille, robe souillée, perchée sur des escarpins vertigineux.

" Vous voilà vous ! "

La foule ne semble pas ravie que la course soit momentanément stoppée mais Jell n'en a que faire, elle veut une réponse et tout le monde peut bien hurler. Ainsi et malgré les huées, elle ne bouge pas, silhouette fixe et parfaite dans le décor.

( J'ai pas pu résister à mettre un peu de piment. J'espère que ça ne gène pas. )

Alors que je décolle Red Devil de sa place, Ryan m'adresse un signe avec le pouce levé pour m'encourager. Je lui rends la politesse avant de remonter l'allée devant le capot de nos voitures en roulant au pas pour ne pas écraser quelqu'un. Je ne peux m'empêcher de les insulter à voix basse. Sur un circuit, on ne traine pas n'importe où lorsque des voitures sont en mouvement et il y a bien un ou deux connards à qui je mettrais des baffes pour leur apprendre le B-A-BA de la sécurité sur une piste. Des vrais pilotes, il ne doit pas y en avoir des masses ce soir et je sens que les prochaines soirées à Flat Rock ne se feront que sur invitation. C'est moi le propriétaire après tout, c'est donc à moi de choisir qui a le droit d'user ses pneus sur mon asphalte et certains ne seront pas les bienvenus à l'issue de cette soirée. J'en vois qui ne sont bons qu'à picoler et fanfaronner, juste le type de gars que je me régale à humilier sur la piste et dont je ne veux pas chez les 66ers. Alors que j'allais m'engager sur le tracé de la piste pour aller rejoindre la ligne de départ du dragstrip, une gonzesse se jette sous mes roues et m'oblige à piler comme un dingue pour ne pas lui offrir une vue imprenable sur mon châssis. Il s'en faut d'une demie seconde qu'elle ne passe sous mes roues et je ne retiens l'insulte qu'en reconnaissant mon avocate.

- Putain, mais qu'est ce qu'elle fout ici celle là ?

J'aime pas les avocats, pourquoi elle vient me faire chier ? Ca ne peut pas attendre demain bordel ? Je baisse ma vitre et affiche mon plus beau sourire malgré l'envie de l'insulter qui vient de me prendre. J'ai une course à gagner bordel, elle ne peut pas virer ses miches de devant mon capot ?

- Maitre Anderson... vous me cherchiez ?

J'ai bien envie de la planter là le temps que je fasse ce run contre Neil et sa Charger mais vu son air décidé, je crois que mon avocate ne l'entend pas de cette oreille. Je passe donc ma boite au point mort et relâche l'embrayage tout en gardant le pied sur le frein. Plus vite elle m'aura dit ce qu'elle me veut, plus vite je pourrais aller mettre de la gomme sur le dragstrip qui en a bien besoin.

- En quoi puis-je vous être utile ?

Aller, crache le morceau que je puisse passer aux choses sérieuses et faire ce que je suis venu faire. Le ronronnement de mon V8 me parait être une plainte de devoir rester sur place au lieu d'aller gronder sur la piste.

Il n'a pas l'air ravi de la trouver là, en plein milieu, lui stoppant le passage. Ça tombe bien, elle n'est pas non plus ravie de la simple idée de devoir refaire sa défense car si elle est sure de gagner avec son dossier tel qu'il est au jour d'aujourd'hui. Ce n'est pas forcément la même chose si elle doit tout modifier à cause des pulsions masculines de son client. Tout de même, Jell calme toi, il n'a sans doute rien fait de mal et tu stresses pour rien. Tout va peut-être rentrer dans l'ordre et tu auras bien fait ton job en t'assurant que tout roulait comme sur des roulettes jusqu'au verdict final. Dans tous les cas, tu as raison d'agir de la sorte, il te faut une réponse claire et la chose est bien connue, lorsque l'on désire obtenir d'un homme une réponse claire, il faut une question claire. Il se faisait maintenant tard, la belle était fatiguée, la foule l'agaçait et l'air pressé de son client lui tapait conformément sur le système. Ainsi, en guise de question claire, sa question allait être claire, très claire même, limpide. La belle quitte l'avant du véhicule pour rejoindre le coté conducteur. Coddy vient de baisser sa vitre et il prend la parole d'une manière complètement opposée à sa réaction première. L'avocate se penche à peine, fixant son client dans les yeux comme si elle pouvait trouver une réponse dans le regard du pilote. C'était peine perdue mais tout de même, bien essayé. Ainsi lorsque Coddy reprend la parole pour lui demander en quoi il peut être utile, Jell en perd son latin. Elle formule sa question dans sa tête mais elle trouve cela pas encore assez direct, ainsi, elle ne peut s'empêcher de sourire l'espace d'un instant. Trêve de sornettes, on a pas toute la nuit, surtout s'il faut dès ce soir, se mettre au boulot pour trouver un nouvel axe de défense.

" Monsieur McQuarters, avez-vous niqué récemment ? " S'interroge la belle bien tenté de rigoler devant le comique de la situation. La foule continue de piailler et Jellyka ne bouge pas d'un poil, attendant une réponse à sa question. Cette dernière apparait certes complètement déplacée mais elle est capitale. Tellement capitale que la jeune femme reprend aussitôt la parole sans laisser à Coddy, le temps même de répondre : " Votre ex-femme estime que vous avez à votre tour rompu le lien marital. Donc, je dois savoir si je dois tout reprendre depuis le début. Vous vous êtes amusé avec votre engin ou bien ? "

Devant l’absurde de la situation, elle rétorque une phrase tellement empli d'un double sens qu'elle fait mine de ne pas l'avoir remarqué : " Non car si vous l'avez sorti, je vais m'occuper personnellement de votre cas ! "

Sa première question me sèche sur place. Qu'est-ce que ça peut lui foutre que j'ai tiré un coup depuis que j'ai viré CJ ou pas ? Elle veut que je lui montre si j'ai perdu la main ou quoi ? Dans d'autres circonstance, je lui aurais dit de poser ses nichons sur le capot que je lui montre que je sais toujours faire mais ce soir il y a un peu trop de monde ici pour que je prenne la liberté de culbuter une femme sur le capot de ma Camaro même si c'est mon avocate. Je la laisse continuer et comprends finalement pourquoi elle me pose cette question de but en blanc. Ma garce d'ex-femme continue de me faire chier et tente tout pour me la mettre profond et récupérer du fric. Elle a tout perdu et cherche à se rincer sur mon dos, une chose que je me refuse à voir arriver. Cette salope se sert de ce que j'étais avant de la rencontrer pour tenter de me nuire. Peine perdu connasse ! Je n'ai pas touché une chatte depuis la tienne. La dernière phrase de mon avocate me permet enfin de retrouver l'usage de la parole mais vient de faire monter ma colère d'un cran.

- Si ça regarde mon dossier, je vais vous répondre. La dernière femme que j'ai touché, c'est celle que je vous demande d'envoyer se faire foutre et je ne suis pas assez con pour lui filer les armes pour me dépouiller.

Ce n'est pourtant pas les femmes qui manquent dans mon entourage que je pourrais me taper si je le voulais mais je sais très bien qu'il faut que ce putain de divorce soit réglé d'abord. J'appuie sur l'embrayage et passe la première avant de répondre à mon avocate.

- Si vous avez d'autres questions, attendez quelques minutes que je mette une branlée à ce touriste ou rappelez moi demain matin.

Sans autre réponse, je met deux coups de gaz pour dégager la foule devant moi et démarre pour aller m'aligner. J'ai une course à gagner et je n'ai pas le temps de me faire emmerder par une femme même si c'est l'avocate qui s'occupe de mon divorce. J'ai les nerfs maintenant et en général ce n'est pas bon pour mon pilotage. Il va falloir que je me calme avant de commencer la course sinon Neil aura un chance de passer son capot devant le mien et je suis sur mon territoire, je ne peux pas me permettre de perdre la face devant tout le monde. J'ai une image de marque à tenir ici et ce n'est pas en perdant contre un nouveau que je vais y arriver.

Sur le moment, elle eut envie de lui sauter au cou. Je plaisante pas et pour deux raisons. Tout d'abord et première raison, elle allait pouvoir dormir et elle était tranquille jusqu'au verdict. Pas besoin de revoir sa défense, ce dossier est apparemment bien dans sa poche et il suffit d'attendre le Jour J pour en avoir la certitude. Ce n'était plus qu'une question de temps avant que Jellyka puisse passer à autre chose et oublier cette histoire de divorce et d'argent, encore une. Jusqu'à la prochaine, certes, mais pour le moment, l'affaire était quasi-terminée et c'était un pas en avant vers un nouveau lendemain. Ensuite et concernant la seconde raison, il parait dingue d'avoir devant soi un spécimen du genre. Vous le croyez vous ? Il n'a pas touché à une femme depuis qu'il s'est séparé de son ex. C'est complètement farfelu mais c'est génial. Bon certes, peut-être n'a-t-il pas eu le choix car son ex est vraiment prête à tout mais tout de même, ça se fête presque ce genre de nouvelle. Ainsi, Jellyka reste un moment silencieuse devant la réponse franche et précise de son client. Ce dernier semble bien décider à reprendre la course, enfin à la commencer du moins. Ainsi, la belle explique simplement qu'ils se verront le jour de l'audience.

Elle quitte la piste alors que certaines personnes la regardent bizarrement mais elle n'en a que faire. Cette fichue journée est enfin terminée et avec un dénouement heureux qui plus est. Nul ne l'espérait, les gens sont tellement tordus que parfois il faut s'attendre à tout. Ainsi l'avocate rejoint sa voiture et ne tarde pas à démarrer pour quitter les lieux. Le senteur bière sur elle, elle rêve d'une bonne douche et d'une nuit de sommeil.

Marie et sa bière étaient confortablement installée en haut de la tribune de bois et la jeune femme attendait avec impatience le départ de la course.
Les voitures s'avancèrent sur la tarmac, prêtes à rugir et Marie put admirer leurs lignes. C'est alors que surgit une bimbo black qui faillit se faire écraser par la camaro. Les mains planquées sur le capot, elle força la voiture à s'arrêter. Dans les gradins, le public râla. Il voulait voir la course, pas une querelle d'amoureux.
Bien sur de là où elle était Marie ne pouvait comprendre ce qui se disait mais elle vit la contrariété du pilote et imagina très clairement sa voix sèche, la même que celle de Cole quand il était contrarié dans sa passion de la course, surtout si c'était des prises de têtes de gonzesse comme il disait.
Heureusement la question parut vite réglée et les deux coureurs purent enfin s'aligner.
Une fille bien roulée, il ne fallait pas oublier que c'était un sport à population essentiellement masculine, les nanas étant la plupart là pour l'ornement, vint pour lancer le départ.
C'était le moment où la tension montait d'un cran, aussi bien chez le pilote qui se chargeait d'adrénaline par anticipation, que dans le personnel de l'écurie et dans le public.
C'était le moment juste avant que l'odeur de gomme, et d'essence n'envahisse pas piste.
C'était le moment préféré de Marie.

Alors que je sors de ma Dodge, deux hommes m’accostent. Ils portent tous les deux la même veste et le plus grand commence à discuter avec moi alors que l'autre se couche pour examiner ma voiture par en dessous. Voyant avec quelle facilité il donne la fiche technique de ma Charger sans même ouvrir le capot, j'en reste bouche bée et n'arrive qu'à me présenter.

- Je m'appelle Neil.

Leur manège est bien rodé, sans comprendre ni comment, ni pourquoi, je me retrouve inscrit sur une course de dragster. Un exercice qui ne m'est pas familier. J'ai suivi des instructions à la conduite sportive utile à mes missions mais je ne suis pas un pilote pour autant et je n'étais pas venu pour ça. Un détail qui ne semble pas leur être d'une importance primordiale alors que Tommy me donne les consigne et que Coddy s'en va pour aller parler à une grande blonde.

Tommy - Tu vas suivre Coddy, il a une Camaro de 1969 rouge avec le bandeau arrière noir autour des feux. Il te guidera jusqu'à la ligne de départ. Ensuite c'est la course. Ca doit rester aussi propre que possible, si tu change de couloir, tu sera disqualifié. T'as des questions ?
- Non, ça devrait être bon.
Tommy - Ok, alors en piste !

Je hoche timidement la tête et remonte à bord de ma Dodge Charger. Je n'arrive pas à croire que je m'apprête à faire une course de dragster contre un homme qui me semble être un pilote confirmé. Tommy ne s'est pas encore éloigné, alors avant de fermer ma porte je lui pose une dernière question.

- Hey Tommy ! Coddy, il est bon pilote ?
Tommy - Probablement le meilleur que je connaisse.

Ca n'arrange pas mes affaires ça. Je n'ai pas prévu de faire carrière dans les courses automobiles mais devoir affronter le meilleur pilote du plateau pour ma première course est un sale coup. Ce n'est pas pour autant que je vais baisser les bras mais je vais avoir fort à faire si je veux le battre sur son terrain. En attendant, je claque ma portière et boucle ma ceinture avant de redémarrer mon V8 et de décoller pour suivre la Camaro rouge dans laquelle Coddy vient de monter. Soudain, il pile devant moi pour éviter d'écraser une belle afro-américaine et m'oblige à sauter sur les freins pour éviter de lui rentrer dedans. Une discussion s'ouvre entre le pilote et la jeune femme, m'offrant un petit répit avant la course. Avec le bruit du moteur et à cette distance, je n'entends pas ce qu'ils disent mais je remarque sans mal que les spectateurs commencent à s'impatienter. Le voir redémarrer me soulage, j'ai envie que ça se termine au plus vite pour pouvoir profiter du spectacle au lieu d'en faire partie. Arrivé à la ligne de départ, je suis les indications de la grande blonde qui discutait avec Coddy tout à l'heure et me range sur la ligne avant de lui indiquer que je suis prêt. Je ne suis pas sur de faire le poids, mais je compte bien faire de mon mieux.

J'assouplis une dernière fois mes phalanges et attrape mes commandes, prêt à faire parler la poudre. Comme à chaque départ d'une course, j'ai envie de me lancer sur la piste comme si ma vie en dépendait. Je connais parfaitement cette sensation avant la course avec l'adrénaline qui s'empare de mon organisme et décuple mes sens. Les vibrations de ma mécanique se font plus présentes et j'ai comme l'impression de faire corps avec ma voiture donc je connais chaque pièce, chaque boulon, chaque soudure. C'est le premier run sur cette piste et entre l'asphalte froid et neuf, on risque d'avoir de gros problèmes de motricité même si je ne me fais pas trop de soucis.

Enola lève enfin ses bras, écartant les deux pans de sa veste et dévoilant sa poitrine sous son sweat fin. Mon regard glisse un instant sur ses seins, me faisant perdre une partie de ma concentration, une chose dont je me serais bien passé. Cette discussion avec mon avocate m'a déconcentré plus que je ne l'avais estimé et je démarre avec un temps de retard lorsque notre rookie baisse les bras pour nous autoriser à faire gronder nos V8 sur la piste. Je vois le capot gris de la Charger de Neil décoller plus tôt que moi et pour tenter de rattraper ma connerie, je relève un peu plus l'embrayage tout en enfonçant davantage mon accélérateur mais je viens de faire une connerie de plus. L'asphalte froid ne me pardonne pas mon erreur et je sens Red Devil ruer dans les brancards pendant une fraction avant que je ne relâche l'accélérateur pour reprendre de la motricité.

Les pneus arrière raccrochent et Red Devil se lance enfin à l'assaut du dragstrip mais la Dodge Charger a pris la tête. Il va falloir que je joue serré si je ne veux pas me faire ridiculiser pour le run inaugural de mon dragstrip. Je n'ai encore jamais perdu sur un run de dragster et ce n'est pas un débutant qui va faire tomber mon invincibilité en dragster, même s'il roule avec une Dodge Charger 500 Hemi.

Citation :

Je joue 2 points de bonus sur le prochain lancer

Il est temps de passer aux choses sérieuses, ce n'est pas un débutant totalement inconnu à Woodbury Hills qui va me battre pour la première fois sur un dragstrip. J'ai battu tous les plus grands pilotes que j'ai connu sur un run de dragster et je compte bien continuer aujourd'hui. Si j'ai battu des pilotes de la trempe de Kira Santos ou Jack Walston sans compter les dingues qui sont sous mes ordres chez les 66ers, ce n'est pas un touriste comme ce Neil qui va me battre même s'il est encore devant moi pour l'instant. Je reste concentré sur cette ligne droite qui se déroule devant moi et occulte cette Mopar devant moi pour ne courir que contre moi et tenter de claquer le meilleur chrono possible. Un run de dragster dans les règles est d'abord une course contre soi-même, pas de sale coup ou de blocage à tenter, juste être le plus rapide possible et surtout être plus rapide que l'autre pilote qui tente de faire la même chose.

Red Devil gronde comme une bête sauvage, grondement à peine couvert par le sifflement du compresseur Eaton qui gave mes cylindres de pure puissance brute que j'ai du mal à transférer à la piste. Je sais que je n'ai pas assez de grip pour tirer le meilleur de ma Camaro préparée mais ce n'est pas pour autant que je vais m'avouer vaincu, surtout que je remonte doucement sur la Dodge de Neil qui ne s'en tire pas trop mal pour un débutant. Même s'il se défend d'être pilote, il a déjà de bonnes bases et cache bien son jeu. Je ne connais rien de lui mais ça m'intrigue bien que pour l'instant je sois surtout focalisé sur mon accélération et passe mon rapport sans relâcher entièrement mon accélération pour perdre le minimum de temps. Le combo Hemi 426 avec Torqueflite 727 reste encore une solution technique qui se défend correctement en dragster, les ingénieurs avaient bien étudié le sujet à la fin des années 60 et cela n'arrange pas mes affaires.

Citation :

Encore 2 points de bonus. Je ne me rendrais pas sans me battre.

Je passe le troisième rapport d'un geste rageur avant de mettre le pied au plancher. Je n'ai pas passé un nombre d'heures incalculable sur Red Devil pour qu'une Charger Hemi à peine modifiée me batte lors de mon premier run sur ma piste. Si ce mec n'est pas pilote, il en a en tout cas dans le froc et sait utiliser sa caisse. Je pensais avoir un run facile à courir mais j'avais oublié le potentiel de ces caisses. Je suis con quand même, j'en ai eu une il y a quelques temps et j'adorais courir avec. Décidément, ce 426 Hemi est probablement le meilleur moteur jamais produit par la Mopar et ce n'est pas pour rien qu'il a tout gagné en dragster. J'en suis à me demander si je n'ai pas causé un peu trop vite en me voyant fêter ma victoire.

En attendant, mon V8 préparé par les soins d'Harry me permet de remonter doucement sur la Dodge Charger 500 et Red Devil arrive à ses cotés alors que j'enquille le quatrième rapport en relâchant à peine l'accélérateur. Je prends le risque de perdre le contrôle de mon train arrière en faisant ça mais la TorqueFlite 727 est une boite automatique à trois rapports, ce qui lui permet d'éviter de perdre du temps lors du passage de rapport. Si je l'avais défié sur la piste, j'aurais gagné sans mal mais sur ce dragstrip... sa voiture est aussi adaptée que la mienne. Mon seul avantage est ma puissance supérieure et mes pneus larges mais avec cet asphalte froid et neuf, il faut que je me méfie et que je dose au maximum.

Ma Camaro continue sur sa lancée et fini par passer devant la Charger de Neil. Maintenant, il faut que je continue à me concentrer sur ma voiture et ses réactions pour que mon adversaire ne repasse devant moi. J'ai repris ma place et je ne compte pas la laisser à nouveau, j'ai un rang et une réputation à tenir en tant que propriétaire des lieux et leader des 66ers de Woodbury Hills.

Citation :

Je joue encore 2 points